Autonomie, sécurité et liberté de déplacement

Vous êtes dans : AccueilActualités

Sandrine, aveugle : dans les rues de Toulouse « circuler, c’est épuisant »

Sandrine Licenziato, 36 ans, devrait obtenir en janvier prochain un diplôme en secrétariat administratif.
Partie de l’Institut des jeunes aveugles de Toulouse, rue Montplaisir,  à proximité du Grand rond, Sandrine balaye le sol avec sa canne blanche. L’objet remplace sa vue inexistante. La jeune femme marche à bonne allure, même si elle est contrainte de freiner lorsque sa canne heurte des obstacles comme des poubelles.

Parvenue jusqu’à l’arrêt de bus (Jardin des plantes), elle attend son passage, se référant à son audition. Avant de monter, elle s’assure d’être sur la bonne ligne car cet arrêt en dessert quatre différentes. « Il y a bien des synthèses vocales externes mais elles se déclenchent lorsque le bus est déjà parti », regrette la Toulousaine.

Altercation avec un commerçant

“Il y a eu une altercation avec un commerçant. Il ne supportait pas le risque que je chute sur ses produits exposés sur la chaussée… ”

A l’intérieur, positionnement stratégique : juste derrière le conducteur pour que celui-ci ne l’oublie pas. Les boutons de demande d’arrêt n’étant jamais au même emplacement. « Je ne me vois pas tâtonner, dans la précipitation, chaque barre d’appui », explique-t-elle. Tisséo, l’organisme gestionnaire des transports de l’agglomération toulousaine, devrait d’ailleurs résoudre le problème en unifiant le positionnement de ces interrupteurs.

Elle descend à Boulbonne pour récupérer des affaires à son domicile, rue Mage. Elle doit donc couper l’avenue de Metz. Au feu réservé aux piétons, elle active sa télécommande fournie par la Mairie, et une synthèse vocale l’autorise ou non à traverser. Rue des Arts, les trottoirs étroits la font ralentir et compliquent le croisement avec les autres passants. Soudain, elle se déporte de l’autre côté. « Il y a des commerçants que je préfère éviter car il y a eu une altercation avec l’un d’entre eux. Il ne supportait pas le risque que je chute sur ses produits exposés sur la chaussée… », raconte-telle.

« Est-ce parce que l’on est aveugle que l’on doit être impudique et supporter mieux que les autres le contact avec des personnes que l’on ne connaît pas ? »

Stationnement très gênant

Après être passée chez elle, elle repart par la petite rue Canard. Surprise par un chantier, rue du Languedoc, elle sollicite de l’aide. Un jeune homme vient la saisissant par le bras pour la diriger. Son instructeur de locomotion, Olivier, s’étonne. « Ce garçon, plein de bonnes intentions ne lui a pas demandé si il pouvait la toucher pour la guider. Est-ce parce que l’on est aveugle que l’on doit être impudique et supporter mieux que les autres le contact avec des personnes que l’on ne connaît pas ? »

En se frayant un chemin au milieu des terrasses de café, elle rejoint Esquirol pour prendre la rue Saint-Rome. Sur la place, des véhicules stationnent momentanément. Conséquence, Sandrine, qui ne peut pas anticiper ces difficultés, manque d’enfoncer sa canne sous la camionnette ce qui l’aurait projetée sur la tôle. « Des imprévus naissent le danger », concède-t-elle. Elle perd ses repères et demande son chemin. « Tout le monde n’a pas son audace », rappelle le formateur en locomotion.

Un ouvrier, pensant bien faire, l’écarte du chantier. Erreur, elle atterrit au milieu de la voie d’accès au parking

Concentration extrêmement sollicitée

Une fois à destination, elle remonte cette rue commerçante très fréquentée. S’ils la voient, les passants s’écartent mais ne lui proposent jamais de l’aide. Une fois le slalom réussi, elle se retrouve place du Capitole, alors en travaux. Bruits, barrières, véhicules… « Ma concentration est extrêmement sollicitée », relate-t-elle. Un ouvrier, pensant bien faire, l’écarte du chantier. Erreur, elle atterrit au milieu de la voie d’accès au parking.

Elle emprunte alors l’esplanade Charles de Gaulle. Trop étendue pour identifier son parcours, elle ne marche plus droit. Elle remonte la rue Alsace-Lorraine, où les trottoirs bénéficient d’une marque à suivre pour la canne. Mais selon elle, « les sensations sont faibles et le repère trop près des boutiques ».

Enfin à Jeanne d’Arc, elle s’engouffre dans la station de métro, sécurisante mais qui lui a demandé un long travail d’apprentissage. Elle profite de l’attente d’une rame pour se reposer. Elle semble se retrouver avec elle-même éprouvée par ce petit péril quotidien.

Benjamin Teoule