À l’occasion du week-end prolongé du 8 mai, mon frère et moi avons décidé de faire découvrir la capitale à mon fils de 6 ans.
Nous sommes tous les deux voyants mais avons besoin de notre canne blanche pour nous déplacer. Mon fils voit mieux (environ un dixième à chaque œil), n’a pas besoin de canne et sait déjà très bien lire.
Nous sommes restés dans un polygone Tour Eiffel – Place Vendôme – Montmartre – Gare de Lyon – 14e arrondissement (place Denfert-Rochereau / prison de la Santé). Voici un petit compte-rendu de notre ressenti sur l’accessibilité dans Paris intra-muros.
Les lieux touristiques
Tour Eiffel
Nous avions souvenir de pouvoir passer sous la tour Eiffel, puis faire la queue à un pied pour y monter. Tout cela a changé en 2016. Désormais, l’édifice est entouré de murs et il faut trouver une entrée (à l’ouest, à gauche en venant du Champ de Mars) pour ensuite parcourir un labyrinthe. Néanmoins, dès que nous trouvons du personnel nous sommes entre de bonnes mains pour passer au guichet accessible. Les tarifs handicapés sont très bas, autour de 6€50.
Il a fallu que je porte mon fils sur les épaules pour qu’il voit le paysage, jusqu’à 1m20 c’est peu ajouré.
Pour ressortir, nous avons traversé le même labyrinthe dans l’autre sens, puis slalomé entre les vendeurs à la sauvette et la fête foraine côté Seine.
Nous retrouvons le calme une fois la Seine traversée.
Du jardin des Tuileries au musée du Louvre
Nous avons visité librement le jardin des Tuileries qui est gratuit et avons décidé de nous approcher de la pyramide du Louvre. Pas de passages piétons, des trottoirs très hauts, des barrières à contourner pour trouver l’entrée.
Le jardin, que nous n’avons pas trouvé particulièrement beau, n’a pas pu être apprécié à cause du temps maussade. Après une approche au radar de la pyramide de verre, nous avons continué notre route vers Montmartre, en passant par la place Vendôme et en découvrant un restaurant japonais abordable dans une rue voisine.
Montmartre
Nous y sommes allés à pied en prenant notre temps. Le Sacré-Cœur se mérite après une bonne montée par escaliers. L’entrée est un peu canalysée pour une fouille des sacs par des vigiles.
Dans mon souvenir, il y avait un chemin à l’intérieur, mais nous avons avancé un peu au hasard, en suivant le mouvement des autres personnes. Nous avons fait une courte pause sur un banc, puis sommes sortis en direction de la place du Tertre.
Sur place, nous avons trouvé café et pâtisseries aux prix parisiens et à la qualité médiocre, mais un abri pendant l’orage.
Nous sommes redescendus par les escaliers plus raides en direction de la place des Abbesses pour prendre le métro.
Jardins du Luxembourg
Bien plus joli que le jardin des Tuileries, mais la visite était courte avant de prendre le train du retour. Avec un peu plus de préparation (notamment un plan) nous aurions peut-être pu mieux en profiter.
Les transports
Bus et métros
Les bus que nous avons pris étaient équipés d’une synthèse vocale annonçant les arrêts. Côté métros, un seul métro l’était, à l’entrée de la station. Les autres n’annonçaient rien du tout, bien qu’il y aurait 300 stations de métro équipées de balises sonores dans Paris.
Malheureusement, dans la plupart des cas, aucune indication à l’intérieur. C’est : débrouille-toi pour lire sur les murs et les panneaux en l’air ! Ou achète des lunettes Orcam peut-être ?
La startup Ezymob sort ses plus grands algorithmes d’intelligence artificielle pour détecter l’emplacement des portes et les sièges libres. Pour plus d’informations vous pouvez consulter la vidéo de présentation de l’application Ezymob (non audio-décrite).
Une solution pratique consisterait à équiper les portes d’un système de bips sonores lorsqu’elles s’ouvrent, similaire à celui des trains régionaux à deux niveaux Régio2N. À défaut, je fais rouler ma canne contre la carrosserie jusqu’à trouver une porte. Dans le métro, il faut être rapide car les portes se referment vite.
Les places assises nous ont spontanément été proposées par d’autres voyageurs.
Dans cette vidéo filmant les portes ouvertes d’un TER Régio2N, les séries de 3 bips indiquent l’emplacement des portes, pour aider les non-voyants à les trouver sur le quai, ou depuis l’intérieur du train. Puis nous pouvons entendre des bips serrés indiquant la fermeture des portes.
Quand d’autres startups proposent la détection de QR code et panneaux à la volée avec son smartphone, oublient-ils qu’un déficient visuel, surtout touriste, va hésiter à dégainer son précieux téléphone à 600€ de peur de se le faire voler à l’arrachée ?
Nous étions en week-end, surtout très calme le dimanche et lundi férié, et je n’ai pas senti d’insécurité. Cependant, des annonces vocales à la Gare de Lyon nous rappelaient d’être vigilants face aux pickpockets.
La RATP annonce des équipements dédiés. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter cette page d’informations sur l’accessibilité sensorielle et cognitive à la RATP. Si nous avons effectivement constaté lors de notre séjour des bandes d’éveil et des nez de marches pour les escaliers, il serait bénéfique d’équiper l’intérieur des stations de balises sonores.
Nous n’avons pas trouvé d’arrêts de bus avec équipement sonore. Sur les mâts, le nom de l’arrêt et les numéros des bus étaient sans doute aux normes de taille de caractères, mais trop haut. À hauteur des yeux, je n’ai pu déchiffrer aucun texte, à l’exception des logos « bus » et « RATP » écrits en blanc sur fond vert clair. Si seulement il y avait les horaires (même non lisibles) indiquant les numéros des bus avec les destinations…
Tickets RATP
Les tickets carton vont bientôt disparaître, je craignais donc de ne pouvoir trouver de bornes d’achat mais j’en ai vu dans plusieurs stations. Un parisien nous a donné un coup de main pour acheter nos carnets de tickets.
Il existe des tickets t+ tarif réduit, 9€55 le carnet de 10, ce qui est très intéressant.
On peut acheter des tickets grâce à l’application mobile « Bonjour RATP ». Mais si le téléphone est incompatible (comme dans mon cas, sans pouvoir l’expliquer), il faut se procurer un pass Navigo Easy auprès d’un automate pour 2€. Il est ensuite possible d’acheter 10 tickets t+ tarif réduit sur le téléphone, ce qui revient légèrement moins cher.
Le tarif réduit est réservé aux enfants de moins de 10 ans, aux « aveugles civils » et détenteurs de certaines cartes. Les personnes intéressées pourront trouver des informations complémentaires sur cette page dédiée au ticket t+. Je ne sais pas ce qui justifie « aveugle civil » mais avec nos cannes, aucun problème.
Attention, sur le téléphone, on ne peut pas combiner des tickets au tarif normal avec des tickets au tarif réduit.
Gare de Lyon
En arrivant en bus à l’arrêt Van Gogh, il suffit de tourner à droite et de travers le premier passage piéton pour entrer dans la gare. Il est écrit en gros « Gare de Lyon », aucun doute.
Nous devions aller au Hall 1 pour prendre notre train. Comme nous étions en avance, nous avons pris le temps de parcourir les bandes de guidage (en couloir, 2 bandes parallèles) et d’écouter tous les messages aux intersections. Malgré le fait que nous ayons suivi la « Direction Hall 1 et 2 », à aucun moment nous n’avons été informés que nous étions effectivement arrivés dans le hall 1. Nous avons rebroussé chemin lorsque nous avions le choix entre « RER » et « Autres directions », après avoir remarqué que nous nous étions éloigné des voies.
J’avais entendu dire que les balises sonores annonçant les voies avaient été abaissées. En raison du brouhaha ambiant, les balises sonores fixées au plafond étaient inaudibles, d’autant plus que le plafond était nettement plus élevé que l’écart entre les voies. Les balises sont donc à 3 mètres de haut environ, au niveau des écrans en bout de chaque voie. Cependant, leur niveau sonore a tellement été baissé qu’il faut être vraiment, vraiment très proche pour les entendre ! Mon fils a trouvé la voie visuellement avant que je n’entende la balise.
Voie G, les piliers qui soutiennent la verrière sont sur le quai, contre la bande d’éveil. Il faut donc longer le train de très près ou s’éloigner. Dans cet espace intermédiaire, il y a un risque certain de se blesser car la canne passe un peu sous la structure au pied de chaque pilier.
Remarque sur les TGV : les numéros les plus lisibles sont 1 et 2, pour indiquer la classe, au détriment des numéros de voitures, plus difficiles à identifier !
Dans la rue
Peut-être un vilain cliché, mais je m’attendais à trouver des trottoirs encombrés de trottinettes, vélos, scooters et voitures mal garées. Honnêtement, j’ai été agréable surpris. En 48 heures, j’ai seulement vu une trottinette, un scooter et deux vélos. Pas mal du tout !
Les passages piétons sont en majorité équipés d’une balise sonore et la rue est systématiquement annoncée. Les phrases sont découpées comme s’il y avait des virgules entre chaque mot. Par exemple :
- « Rouge, piéton. Rue, des, pyramides. » ;
- « Rouge, piéton. Rue, de la, paix. » ;
- et même les liaisons sont cassées : « Rouge, piéton. Rue, du, faubourg, Saint, Honoré. »
Le volume de base n’est pas très fort, mais suffisamment correct. Les phrases étant longues, le volume peut augmenter au milieu de la phrase lorsqu’un véhicule passe. Il me semble que la plupart des feux sont déclenchés simultanément de part et d’autre du passage, je n’ai pas souvenir d’avoir eu besoin de rappuyer sur ma télécommande au cours de la traversée.
Quelques traversées n’étaient pas équipées sur des grands boulevards alors que les petites rues perpendiculaires l’étaient. Un peu surprenant.
Un seul message annonçait « traversée, en, deux, temps. » pour un terre-plein central insignifiant et seulement trois voies de circulation au total. Pendant ce temps, de nombreux autres feux ne précisaient rien de spécial pour une traversée en deux ou trois temps, même avec quatre ou six voies de circulation. Surprenant aussi.
Visuellement, les feux rouges piéton sont bien lumineux, tandis que les verts sont trop faibles.
Les potelets au niveau des passages piéton sont haut et leur sommet est blanc, souvent surmonté d’une boule blanche. Ceci les rend suffisamment visibles et hauts pour ne pas se les prendre dans l’entre-jambes.
J’ai vu beaucoup de bandes d’éveil courbées, ce qui peut mener un non-voyant à traverser un carrefour en biais en l’absence de balisage créant un couloir sonore.
Conclusion
La RATP a encore beaucoup de travail à faire pour équiper les stations de métros et pour améliorer les arrêts de bus. Les startups sont bien motivées pour sortir des gadgets, mais la solution est connue et simple : des balises sonores !
Le déplacement à pied en suivant les instructions et la carte du GPS n’a pas été trop difficile, à l’exception de la place Denfert-Rochereau côté Sud-Est (des avenues, des travaux…).
Il y a certains trottoirs qui sont extrêmement larges en raison des terrasses de cafés. Parfois, il a fallu faire du slalom pour avancer. Malgré quelques poteaux mal placés et trottoirs étroits, cela n’a en rien gâché le plaisir de se déplacer à pied.
Nous avons pu compter sur l’aide précieuse des parisiens dans toutes leurs diversités, certains faisant même un détour pour nous aider.