Petit compte-rendu sur l’accessibilité des villes où nous sommes passés cet été, équipés de nos cannes blanches et télécommandes. Nous avons ouvert l’œil et les oreilles sur les transports urbains et ferroviaires, ainsi que les cheminements piétons.
Voyage en bus
Sur nos deux trajets, « Flixbus » a eu la gentillesse de nous surclasser. Alors que nos billets n’avaient pas de places réservées, le personnel nous a placé à l’étage inférieur pour éviter la volée de marches étroites pour accéder à l’étage du bus.
Je suppose que les places à l’étage sont plus serrées, mais évidemment, je ne suis pas allé vérifier !
Hormis cette faveur, il faut avouer que les longs trajets en bus ne sont pas confortables.
Quand on nous promet de l’aide pour monter à bord du bon bus dans la gare routière, et pour récupérer nos valises, il faut malheureusement se débrouiller seul ou s’énerver pour obtenir l’aide promise.
Les autres désagréments ne sont pas spécifiques à la déficience visuelle, je ne vais pas m’étendre sur le sujet.
Si vous souhaitez vraiment vous déplacer en bus pour des raisons financières, prévoyez du papier toilette, de l’eau et de la nourriture en quantité suffisante. Les pauses sont très courtes. Nous avons dû réclamer une pause plus longue pour acheter de l’eau. Le conducteur a bien voulu attendre les 2 gars avec leur canne blanche, mais les autres ont dû courir après le bus qui partait !
Si vous ne comprenez pas la ville annoncée, ouvrez un logiciel de navigation GPS sur votre téléphone, ou demandez-lui : “Où suis-je ?”
Si vous n’aimez pas les concerts de ronflements, prévoyez des boules Quies.
Si c’était à recommencer : je prendrais « Flixbus » pour un trajet court (Berlin-Copenhague en 8h) mais pas pour les trajets longs ou nocturnes (Lyon-Berlin = 16h)
Voyage en train
Copenhague – Hambourg – Francfort – Lyon
À Copenhague, on nous a promis de l’aide qui n’est pas venue. Il a fallu trouver le grand écran des annonces, car les petits écrans n’annoncent pas tous les trains.
À l’arrivée à la gare Lyon Part-Dieu, on apprécie le retour des balises sonores qui ont cruellement manqué dans les autres gares.
Fort heureusement, nous avons trouvé l’aide d’autres voyageurs. Chose que j’avais déjà constaté en Suisse et en Belgique, les quais sont connus très longtemps en avance. Mais à la différence de ces 2 pays, je n’ai pas entendu d’annonces sonores indiquant un changement de quai. Heureusement, les changements n’étaient jamais loin : même quai, voie en face.
À Copenhague, j’ai pu lire, avec le zoom de mon téléphone, qu’il ne fallait pas monter dans le train à quai, ce que visiblement d’autres voyageurs n’ont pas compris.
On peut râler sur la SNCF qui affiche la voie seulement 20 minutes à l’avance, mais ça a le mérite d’être précis et correct. Donc, ne pas vous fier aux voies indiquées sur vos billets sans avoir vérifié sur les écrans, et encore, il faut relire les écrans sur le quai !
Berlin
La ville est très étalée, avec beaucoup de verdure et de larges artères. 15 lignes de RER, 9 lignes de métro, 22 lignes de tramway, si ça peut vous aider à percevoir la taille de la ville…
Les transports berlinois
Le métro est abrégé en U, le tramway en M, un équivalent du RER en S. Nous n’avons testé que le métro et le tramway.
Sur les applis de navigation, les arrêts peuvent donc être précédés de « U », « S » ou « S+U » pour indiquer des connexions avec métro et/ou RER. C’est très pratique.
Les métros de Berlin
Il y a 9 lignes de métro U1 à U9, mais on peut voir apparaître la U12 en période de travaux.
Bien que certaines lignes soient plus anciennes, avec des rames un peu plus étroites, toutes les stations sont rendues accessibles aux fauteuils et poussettes par des rampes ou ascenseur. Les derniers aménagements étaient prévus pour 2020.
Il y a des lignes plus bruyantes où il est difficile d’entendre les annonces sonores
Certaines rames ont des écrans à hauteur d’environ 1m60-1m80, près des portes, annonçant les 3-4 prochains arrêts et en bas de la liste la destination. C’est plus facile à lire que les écrans au plafond.
À l’arrivée en station, une annonce donne la direction, une fois en route une annonce donne le nom de la prochaine station. D’autres messages vocaux invitent à monter, à s’éloigner de la bordure du quai.
Les stations des lignes récentes sont bien équipées de bandes podotactiles en bordure de quai. Ceci n’est pas le cas sur les anciennes lignes où le quai est de couleur sombre, la bordure du quai est seulement matérialisée par des traits blancs.
Métro à quai, sans bandes podotactiles, seuls des traits blancs indiquent la limite avant de tomber sur les rails.
Station sur ligne moderne, le sol est clair, les bandes d’éveil de vigilance foncées et à distance du bord. La bande est interrompue ou croisée pour indiquer l’emplacement théorique des portes.
Dans les stations modernisées, alors que les bandes semblent indiquer, par des croisements, l’emplacement des portes, cela ne s’avère pas exact. L’emplacement des portes est approximatif.
L’achat des billets se fait par des automates non accessibles à notre connaissance. La planification du trajet sur l’application Google Maps nous a permis d’avoir une estimation du prix du billet. Il y a visiblement plusieurs zones. Nous avons dû demander de l’aide.
Puis nous n’avons pas toujours croisé des bornes pour composter, ni de contrôleurs… mais attention, les contrôles sont sournois !
“La fraude dans le métro, Paris vs Berlin” :
Le tramway à Berlin
Les lignes sont majoritairement dans la partie Est de Berlin. On traverse de nombreux rails qui vont dans tous les sens.
Je ne me souviens pas d’annonces de la direction, mais les prochaines stations sont annoncées.
Je n’ai eu aucun retour sonore avec ma télécommande dans les stations de métro et aux arrêts de tramway.
L’accessibilité annoncée est sans doute pour les fauteuils, mais, comme nous allons le voir dans le reste de la ville, pas pour les déficients visuels.
Être piéton déficient visuel à Berlin
Feux sonores rares et incohérents
La télécommande a permis de déclencher très peu de feux sonores, mais nous n’avons pas compris les signaux, et très vite nous avons trouvé des incohérences hallucinantes.
L’indicateur le plus fiable est de suivre les allemands. Comme ils sont très respectueux des règles, ils traversent quand c’est vert. Et quand c’est vert pour les véhicules, le piéton qui se trouve en tort sur la chaussée peut se faire renverser !
En suivant les Allemands, nous avons pu constater des clicks espacés pour un feu piéton rouge, et un jingle ou une cloche pour un feu vert… mais des clics en arrivant en face. À d’autres feux, des clics sans cesse, ou le silence quand le feu est vert.
Nous avons très vite compris que c’était absolument inutilisable !
Les traversées compliquées
Généralement les trottoirs que nous avons foulés étaient granuleux. Au niveau des passages piétons, il y avait des bandes plus claires, de 60 à 80 cm de largeur, à la limite du trottoir, plus lisses. La légère granulosité se ressentait en les caressant du bout du pied… c’est du yoga, pas de l’éveil à la vigilance !
Sur la chaussée, aucune bande blanche ne permet de connaître la direction, ou de repérer les passages d’un peu plus loin ! Même pas sûr qu’il y ait des clous de partout.
Les grandes artères se traversent en plusieurs temps. Par exemple : une voie qui tourne, 2 voies qui vont tout droit, 2 voies de tramway, 2 voies dans l’autre sens.
sur Alexander Platz, qui ne présente aucun intérêt hormis la tour de la télévision à proximité (point de vue à 200 m de hauteur), on se retrouve à traverser sans s’en rendre compte des voies de tramway et probablement une piste cyclable.
Les trottoirs de Berlin
Sous les pieds, nous avons senti des lignes un peu plus lisses, mais rien de clairement lisible tactillement. Sommes-nous sur un cheminement adapté aux fauteuils ? sur une piste cyclable ?
Parmi les obstacles, on trouve des potelets manquant de contraste, et quelques trottinettes à proximité des stations de vélos.
Francfort
L’étape passage fût brève, 1 km à pied le temps d’aller manger en attendant une correspondance à la gare.
Passages piétons : mêmes remarques qu’à Berlin.
Pas de feu sonore face à la gare centrale.
Dans la gare, aucune balise sonores déclenchée avec ma télécommande.
La gare est en cul-de-sac. Il y a des bandes de guidage. Un point d’accueil est en face de l’entrée, orientée vers les voies.
Vue extérieure de l’entrée de la gare, une grande arche surmonte 3 petites qui sont des portes
Copenhague
Copenhague est une ville qui nous a paru très animée et relax. Elle est traversée de nombreux canaux, le vélo est présent partout.
Les transports de Copenhague
Les gares routière et centrale sont proches du centre-ville. Il y a 4 lignes de métro et 7 lignes de S-Tog (équivalent du RER).
La ville est très étalée, découpée en plusieurs communes, mais la partie touristique est assez concentrée ; nous n’avons pas eu besoin de prendre le métro, seulement un bus.
Métro moderne
Il est moderne et entièrement automatique. Peu de stations sont souterraines, nous en avons visité une seule :
Comme à Lille, le quai est fermé par des façades de quais vitrées, il est impossible de tomber sur la voie. Des bandes podotactiles sont placées le long du quai contre les portes qui s’ouvrent lorsque le métro est à quai.
Je n’ai pas compris le rôle des quelques bandes placées perpendiculairement, qui ne menaient pas précisément à un escalier ou des sièges. À creuser.
Métro à quai à la station Gammelstrand, repères podotactiles face aux portes
La destination du métro est annoncée lorsque celui-ci est à quai.
Ma télécommande n’a déclenché aucune balise sonore, ni sur le quai, ni à l’entrée.
Le dessous des escalators est très lumineux, ce qui permet, en cherchant les néons inclinés, de les localiser, et éclaire bien le quai. Pour la sécurité des déficients visuels, des barrières empêchent de se retrouver dessous et de s’y cogner la tête. Bien joué !
Cette photo a été prise dans une autre station, je suppose que cela est donc généralisé.
Sous les escalators d’accès au quai, 6 lignes très lumineuses éclairent le quai, et des barrières empêchent de s’engager à cet endroit. Sur la photo, on voit aussi les reflets de part et d’autre sur les façades de quais.
Les bus de Copenhague
Il arrive que l’arrêt de bus soit séparé de la voie de circulation des bus par une piste cyclable d’1m50 à 2m.
Le bus ne se rabat pas sur la bande cyclable, par sécurité pour les cyclistes dans un grand angle mort.
Les personnes non-voyantes doivent donc être à l’écoute de portes qui s’ouvrent pour différencier un bus à l’arrêt d’un autre véhicule stoppé par un feu rouge.
Quant aux fauteuils et poussettes, ils semblent avoir été tout simplement oubliés. Les bus disposent d’une rampe pour les fauteuils à la porte centrale, mais il faut une assistance car le conducteur n’a pas le droit de quitter sa cabine pour actionner la rampe, et avant cela, il faut trouver la partie abaissée du trottoir… Les Danois n’ont donc pas encore trouvé la bonne solution pour les transports doux et l’accessibilité des arrêts de bus. Faudrait-il écarter la voie cyclable et créer l’arrêt sur un îlot suffisamment large ? Cela impliquerait une petite traversée de voie cyclable et la problématique de la localisation d’un arrêt qui n’est pas sur le trottoir, tout en nécessitant une emprise au sol plus importante.
Pas de balise sonore détectée, annonce du prochain arrêt dans le bus, mais pas de la destination.
Les cyclistes à Copenhague
Les cyclistes ont une voie de circulation réservée, à côté des autres véhicules, et obéissent à des feux plus petits. Ils s’arrêtent à proximité du passage piéton alors que les véhicules sont en retrait de 3 mètres.
Lorsque piétons et cyclistes cohabitent sur des axes de déplacement doux (par exemple en direction de l’opéra), des logos au sol permettent de différencier les voies, parfois un petit muret. Pas facile d’être du bon côté.
Fort heureusement, les cyclistes sont très relax, se signalent avec leur sonnette, ou nous parlent… mais en danois, on ne comprend rien ! Ils sont un peu plus sauvages dans les parcs. Nous avons été frôlés à maintes reprises dans les allées de Christiania.
Les stations vélo sont nombreuses.
On trouve des vélos cargo avec jusqu’à 2 enfants, ou du matériel, mais on trouve aussi les cargos sans vélo, poussés à la main sur les trottoirs. Ces cargos ont à peu près le gabarit d’un fauteuil roulant avec une grande poignée comme les caddies de supermarché.
Facile de se déplacer à pied dans Copenhague
Feux sonores
Bonne surprise, de nombreux feux sont sonores, ils disposent d’un boîtier à hauteur de main d’enfant sur le poteau, avec le bouton par dessous.
Les bips longs et espacés indiquent une attente, le rouge, les bips courts et serrés indiquent l’action : la traversée. C’est très compréhensible du premier coup, et tous les feux équipés sont semblables.
L’appel du feu pour traverser n’abrège pas le temps d’attente, il déclenche les bips. Le temps d’attente est affiché par le nombre de secondes restantes.
Les feux de circulation à Copenhague (en anglais) :
(On entend les feux sonores à partir de 2 :00, le lien positionne la vidéo à ce time code)
Inconvénients : la localisation du feu d’en face n’est pas toujours facile à cause du faible volume sonore, et peu de feux se déclenchent à la télécommande.
Les Danois sont plutôt respectueux des règles et traversent au vert, mais dans les petites rues ce n’est pas aussi systématique qu’en Allemagne.
Passages piétons visibles
Les passages piétons sont tracés par des bandes blanches comme en France, ce qui aide à les repérer de loin.
Les bandes d’éveil de vigilance sont à la limite du trottoir, sensibles au toucher, mais non contrastées.
Les trottoirs, le confort grand luxe pour les déficients visuels !
Une excellente surprise à Copenhague : tous les trottoirs possèdent un couloir de guidage visuel et podotactile.
Les trottoirs sont granuleux. Au milieu, une bande de dalles lisses constitue un chemin confortable pour les poussettes. Les fauteuils et cargos sont malheureusement trop larges et ne bénéficient pas de ce confort.
Cette bande est délimitée de chaque côté par une étroite bande de pavés plus profonds, disjoints, et plus foncés.
Cet ensemble tactile constitue un excellent guidage pour les déficients visuels.
De plus, je n’ai croisé que 2 obstacles fixes sur cette bande, et les gens font attention à ne pas y laisser traîner un vélo. Toutefois, il n’est pas impossible de heurter un guidon ou une roue qui dépasse, ou encore les chaises d’un café.
Les commerces au sous-sol
Si les lieux touristiques principaux semblent adaptés, les maisons traditionnelles et commerces sont très souvent accessibles par un escalier raide descendant un demi-étage.
Sur les trottoirs, il faut donc bien rester sur la bande de guidage pour éviter de tomber dans un escalier ou heurter sa rampe, et évidemment les personnes en fauteuil ne peuvent pas entrer. Le site https://handilol.com/guides-de-voyage-pmr/europe/copenhague-accessible/ estime que moins d’un commerce sur deux est accessible.
Trottoir de Copenhague : le couloir est au centre, délimité par une rangée de pavés sombres de chaque côté. Puis une portion entièrement pavée indique une entrée charretière. Ensuite, retour au trottoir normal avec le couloir très rectiligne. À gauche : du mobilier urbain, à droite : un escalier descendant, des plantes et d’autres choses.
Conclusion
En tant que déficient visuel, il est possible de voyager à Berlin comme à Copenhague, notamment grâce à l’aide souvent spontanée apportée par les passants.
Ces derniers anticipent souvent nos demandes, et comprennent tout de suite que nous voyons mal mais tout de même un peu, tandis qu’en France, généralement les gens ne comprennent pas l’existence d’un intermédiaire entre une bonne vue et la cécité totale.
Toutefois, Berlin requiert beaucoup plus de vigilance, de sollicitation de l’aide des autres, alors que Copenhague est beaucoup plus relax et mieux conçue pour les déficients visuels.
Nul doute que les personnes en fauteuil apprécieront beaucoup plus Berlin où elles pourront se déplacer en totale autonomie.
Moyens de paiement par carte
Les Allemands et Danois sont réputés pour payer beaucoup en liquide, mais les choses ont évolué et nous avons pu payer par carte bancaire quasiment partout. Au Danemark, la majorité des terminaux sont des écrans tactiles. Le commerçant prend notre carte pour une lecture sans contact, mais, selon le montant, il faut confirmer avec le code sur un écran tactile. Galère !
Ravages de la technologie trop moderne, urgence d’une norme accessible européenne, soit un clavier, soit un retour audio si on branche un casque (à la façon VoiceOver).
En Allemagne, la plupart des terminaux étaient avec un clavier physique.
Avant de nous apercevoir que nous pouvions payer par carte partout, nous avons tenté de retirer de l’argent à un distributeur sur une place très fréquentée : pas de prise casque, mais on ne peut pas généraliser.
Remarques supplémentaires
Nous déconseillons les auberges de jeunesse One80° à Berlin et Downtown Hostel à Copenhague. À Berlin, elle est bien située pour les transports mais le quartier n’est pas intéressant, c’est l’usine sans âme.
À Copenhague, elle est bien située, a beaucoup de charme et une bonne ambiance, mais la vétusté et le manque d’entretien causent des problèmes de plomberie et de puces dans les lits !
Sylvain et Vincent Machefert